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Le nouveau détective | Rencontre avec Éric Axelson (MS 04)
Pionnier du Web en France, Éric Axelson a travaillé pendant quinze ans dans le digital, assurant la transition numérique de nombreuses entreprises. Fin 2020, il a entamé une reconversion professionnelle totale pour devenir... détective privé. En mai 2022, il a fondé sa société, Riviera Private Investigation (RPI), un cabinet d'enquêtes et d'investigations de Droit Privé. Retour sur un parcours hors du commun.
Certains clichés ont la peau dure. Demandez à n’importe qui à quoi ressemble un détective privé. Il vous répondra sans la moindre hésitation que le détective porte un long imperméable beige, un chapeau, et se trimballe toujours avec sa pipe et sa loupe. « Le détective, on a tout de suite l’image de Hercule Poirot, Nestor Burma, un type un peu old school, limite poisseux, l’ancien flic avec la clope au bec. Alors que cela n’a strictement rien à voir.C’est une profession qui, depuis une dizaine d’années, a énormément changé ».
Les mots sont ceux d’Eric Axelson, Alumni diplômé du Mastère Spécialisé en e-Business, et qui a récemment embrassé l’insolite profession de détective privé. Il vient d’ailleurs de fonder, en mai 2022, l'entreprise Riviera Private Investigation (RPI), un cabinet d'enquêtes et d'investigations de Droit Privé basé à Nice et intervenant sur toute la France et même à l’étranger. Une reconversion totale pour celui qui se définit comme « un pionnier du Web en France », et qui a travaillé pendant près de 15 dans le digital et le marketing de l’innovation.
Innovation et transition numérique
Retour en 1994. Eric a 15 ans et visite l’École Normale Supérieure (ENS) à l’occasion du bicentenaire de l’historique établissement de la rue d’Ulm. Un moment qui va bouleverser sa vie.
« J’ai visité un laboratoire, et là, un chercheur nous a montré ce qu’il faisait avec un truc qui s’appelait Internet, à l’époque où on séquençait le génome humain, rembobine-t-il. Ca m’a retourné la tête (rires). Après le Bac, j’ai donc intégré la seule école (à l’époque !) en France qui formait aux métiers du Web, l’IIM (Institut de l’Internet et du Multimédia), dans l’optique de me spécialiser dans le pilotage de projets numériques.» Une fois le diplôme en poche, Eric intègre le Mastère Spécialisé en e-Business de ESCP, puis débute sa carrière en 2005 dans le monde du conseil en marketing/innovation, essentiellement au sein du groupe Orange. En 2007, il passe à l’AFP, où il occupe le poste de Responsable Marketing Monde en charge du sport, puis, à partir de 2011, devient directeur digital de Réussir AGRA, un groupe Médias spécialisé dans l’agriculture et l’agro-business. « J’étais en charge de piloter la transformation numérique de l’entreprise, pour l’aider à passer d’un modèle papier à des services en ligne destinés au lectorat et aux annonceurs ».
Pendant toute la décennie qui s’ensuit, Eric Axelson va alterner entre des postes en entreprise (Réussir AGRA, donc, puis un éditeur logiciel, en tant que DG de transition) et du consulting en indépendant, toujours dans l’univers du digital et de la transition numé-rique. « Puis est arrivé le moment où j’en ai eu un peu marre, voilà tout , replace-t-il. Et même si le digital est un sujet qui me passionne, j’en avais un peu fait le tour. J’ai donc essayé d’imaginer autre chose.»
Et cette autre chose, Eric Axelson tombe dessus un peu par hasard, alors qu’il navigue sur Internet. « Au détour de vidéos sur YouTube, j’ai découvert ce métier de détective privé, se souvient-il. Je me suis dit que ça cochait toutes les cases en terme d’appétence professionnelle. Cela demandait des compétences numériques et juridiques, mais aussi en photo et vidéo. Et puis, il fallait ce côté fouineur que j’avais toujours eu, donc je me suis dit ‘pourquoi pas!’».
Aider les particuliers, mais surtout les entreprises
Évidemment, on ne peut pas s’auto-proclamer détective privé du jour au lendemain, car cette profession est désormais drastique-ment contrôlée et régulée. Alors, à partir d’octobre 2020, Eric Axelson se forme à l’ESARP (Ecole Supérieure des Agents de Recherches Privées), l’une des deux seules écoles privées qui forme à ce métier. « Au cours de ces cursus, on fait surtout du droit civil, parce que c’est la principale matière qui est traitée par les agences de détective, explique-t-il. Ensuite, on apprend les techniques d’enquête de type filature à pied ou en voiture, mais également comment rechercher sur Internet. Le Web, c’est une mine d’or en termes d’informations, mais le grand public ne sait pas forcément comment l’utiliser.»
Fin 2021, Eric Axelson complète même sa formation en rejoignant l’Université Paris-II Panthéon-Assas, qui forme également à ce métier. Désormais détenteur de l’ensemble des agréments (délivrés par le CNAPS, établissement public sous tutelle du Ministère de l’Intérieur) qui lui permettent d’exercer le métier de détective privé, il fonde sa société, RPI, en mai 2022. « Avoir fait ESCP m’a beaucoup aidé dans ce cas précis, car je sais ce qu’est un business plan, ou une gestion d’entreprise ».
Une fois la structure montée, il s’agit de trouver ses premiers clients et de plancher sur ses premières affaires. « Il faut arriver à se faire connaître, à tisser son réseau, développe-t-il. Il faut se rapprocher des avocats, car souvent, ils sont au courant d’affaires où il y a besoin de récolter des preuves. Et nous, on nous appelle les ‘techniciens de la preuve’, car nos rapports d’expertise sont recevables en justice » Le détective privé est souvent dépeint comme la personne qui va s’occuper d’affaire d’adultères (le mythe de l’amant dans le placard...) alors que, de nos jours, ce n’est plus forcément le cas. « Et ce n’est de toute façon pas mon coeur de métier, précise Eric Axelson. Moi, je vise plutôt les entreprises, de la PME au grand groupe industriel : les chefs d’entreprises ou les DRH qui ont des problématiques de concurrence déloyale, de salariés qui sont en arrêt maladie, de vol en interne avec des stocks qui ne sont pas cohérents, de contrefaçon, etc. »
Et même s’il ne snobe évidemment aucun dossier qui lui est confié, Eric Axelson admet que les affaires concernant les sociétés sont, selon lui, « plus intéressantes, car c’est un mixe de recherches administratives et de recherches de terrain, dont certaines peuvent même inclure l’infiltration. Ayant moi-même piloté des structures, je connais les problèmes que peuvent vivre les chefs d’entreprises ». Depuis qu’il a débuté son activité, il a d’ailleurs été confronté à quelques demandes ubuesques dont il ne peut, par soucis de confidentialité, dévoiler les tenants et les aboutissants.
Et s’il dit « s’habituer petit à petit à ce genre de demandes bizarres », il reconnaît que « ce qui demande le plus de rigueur, au moment d’accepter un dossier, c’est de toujours rester dans les règles ». Précisions :
« Si vous me demandez des infos sur votre voisine d’en face parce que vous la trouvez jolie et que vous voulez connaître son numéro, ça, ça ne va pas être possible (rires). Par contre, si cette même voisine vous cause un préjudice, quel qu’il soit, là, je peux agir. À partir du moment où il y a une faute, un préjudice, et un lien de causalité, là, on est dans un cadre légal ».
Qualités sportives et mentales requises
Voilà désormais six mois qu’Eric Axelson fait officiellement parti des quelques 1000 détectives privés qui exercent en France. Si cette reconversion lui plait beaucoup, il concède que « le métier est très exigeant sur le plan physique ». En effet, à l’enquête administrative, qui se fait chez soi, sur ordinateur, s’oppose l’enquête de terrain, souvent éreintante.
« Quand vous êtes en filature, il faut prendre en considération la gestion du stress, de la fatigue, détaille-t-il. Il peut ne rien se passer pendant dix heures d’affilée, et en une fraction de seconde, il faut être en mesure d’avoir une poussée d’adrénaline, avec une personne qui sort à toute balle d’un parking, par exemple. S’il faut le suivre, cela demandera aussi des qualités sportives, de résistance physique et puis d’improvisation. Tout cela en restant très discret, pour ne pas se faire repérer ».
Et s’il est encore novice dans le métier, l’ancien consultant a déjà identifié les qualités nécessaires pour être et devenir un excellent détective. « Pour reprendre un sketch célèbre : le mauvais détective, c’est celui qui n’écoute pas suffisamment ses clients, qui les juge ou qui ne respecte pas la loi. Le bon détective, c’est celui qui ne va pas franchir la ligne rouge, qui va rester dans les clous, et qui va conseiller au mieux ses clients. Il ne faut jamais oublier que c’est notre rôle principal : aider les gens à résoudre leurs problèmes et à obtenir réparation d’un préjudice grâce aux preuves que nous récolterons, en toute légalité». Et pour ça, même pas besoin d’un imperméable beige ou d’un chapeau.
par Éric Maggiori