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Urgence Afrique - Unis face au virus

09 avril 2020
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Le continent africain sera-t-il la victime ultime de la pandémie qui frappe de plein fouet le monde. Aux côtés d’Annick Schwebig, présidente du Directoire de l’ESSEC, l’ONG Alima fait appel à la générosité de chacun pour répondre à l’urgence. Interview croisée de son DG, Augustin Augier (ESCP), du président d’ALIMA UK, Stéphane Epin (E02), et Mathieu Dufour (EDHEC), ancien DAF et administrateur.

 

Créée en 2009, ALIMA, l’Alliance pour l’Action Médicale Internationale, est devenue en dix ans un des principaux acteurs médicaux et humanitaires dans la gestion des épidémies de maladies infectieuses, y compris les fièvres hémorragiques virales telles que le virus Ebola et la fièvre de Lassa. Ils ont su prouver l’efficacité de leur modèle qui allie partenariat et innovation : plus de 5 millions de patients soignés, 29 projets de recherche menés dont la démonstration de l’efficacité de deux traitements contre Ebola, 60 millions d’euros de budget annuel, 2 000 salariés dont 98% sont issus du continent africain.

Face à l’actuelle pandémie de Covid-19, ALIMA a participé depuis début janvier aux différents échanges scientifiques avec l’OMS au niveau international et son expertise a même été recommandée par le Conseil Scientifique auprès du Président Macron dans son avis du 23 mars.

Aujourd’hui, je souhaite vous alerter sur l’urgence et la responsabilité collective que nous avons d’agir auprès des pays les plus vulnérables, et particulièrement en Afrique, à travers la voix de leur Directeur Général, Augustin Augier (ESCP 2002), du président d’ALIMA UK, Stéphane Epin (ESSEC 2002) et de leur ancien DAF et actuel administrateur Mathieu Dufour (EDHEC 2007).  Je ne doute pas que dans la tradition humaniste de l’ESSEC, vous saurez entendre la valeur du message transmis ci-dessous. Prenez-soin de vous, mais pensons aussi lorsque nous le pouvons, à prendre soin des autres.

 

Dr Annick Schwebig

Présidente du Directoire de l’ESSEC

 

Créée en 2009, ALIMA a pour ambition de transformer la médecine humanitaire à travers l'innovation et la recherche. Son modèle est unique. En combinant action humanitaire, recherche et partenariats locaux, ALIMA propose le modèle le plus efficient de la médecine humanitaire actuelle : on soigne mieux, à moindre coût, tout en créant de l'innovation et en renforçant les capacités locales. ALIMA s'assure ainsi que son investissement aura l'impact humain le plus important possible. ALIMA intervient aujourd’hui dans 12 pays d’Afrique pour soigner plus de 4 000 personnes chaque jour.

Face aux risques importants de la propagation du Covid-19 en Afrique, ALIMA a lancé une campagne de levée de fonds Oxygen for Africa (https://oxygenforafrica.alima-ngo.org/) afin de financer l’achat de 800 concentrateurs en oxygène pour permettre la prise en charge des cas graves de Covid-19 dans ses différents pays d’intervention. Vous pouvez soutenir leur action, plus que jamais nécessaire pour répondre à l’urgence sanitaire :  https://donate.alima-ngo.org/Oxygen-For-Africa-essec-escp-edhec/~mon-don

Augustin Augier, DG et co-fondateur d’ALIMA (ESCP 2002), Stéphane Epin, Président d’ALIMA UK et Partner du fonds d’investissement européen Astorg (ESSEC 2002) et Mathieu Dufour, Ancien DAF et administrateur d’ALIMA, Directeur Financier de Médecins Sans Frontières Espagne (EDHEC 2007), répondent ici à nos questions.


En tant que DG de l’ONG ALIMA, vous alertez sur le risque énorme encouru par l’Afrique. Face au Covid-19, à quelles particularités l’Afrique est-elle exposée ?

Augustin Augier (AA) : Aujourd’hui, le Covid-19 est en Afrique avec plus de 10 000 cas en date du 7 avril. Nous n’avons pas d’éléments scientifiques laissant penser que nous n’y verrons pas la même courbe épidémique que dans le reste du monde. Nous ne disposons d'aucun élément scientifique capable de démontrer que le développement du virus peut être freiné par des éléments comme la température de l'air par exemple.

Le continent est exposé, et limité en terme de moyen, tant au niveau du diagnostic qu’au niveau de la prise en charge, dans des proportions significativement supérieures à ce que l’on connaît actuellement en Europe.

Dans la plupart des pays d’Afrique, il n’y a qu’un seul laboratoire capable de tester des cas suspects et qui fait au mieux quelques dizaines de  tests par jour. Il est évident que dans les zones rurales, les malades ne peuvent être détectés. Les gens n’ont pas l’habitude d’aller dans les centres de santé quand ils sont malades, et de toute façon il n’y aura ni kit de prélèvement ni de chaîne logistique pour le transférer vers un laboratoire. Donc ce que l’on voit des cas en Afrique ne reflète qu’une infime proportion des cas réels.

 Une autre spécificité africaine est que la population est jeune. Mais on sait qu’un tiers des gens hospitalisés en France ont moins de 60 ans et ont d’autres pathologies. Et cette population-là existe en Afrique. D'autant plus qu'en Afrique, à la différence de la France, les patients avec des comorbidités sont le plus souvent ni identifiés ni stabilisés, ce sont souvent des cas invisibles, d’autant plus à risque..

La dernière particularité est la fragilité aiguë des systèmes de santé, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale avec beaucoup moins de lits d’hospitalisation et beaucoup moins de professionnels de santé. Il y a, par exemple, cinquante fois moins de médecins au Burkina Faso qu'en France. Donc, la population des moins de 60 ans, que l’on arrive à bien soigner en Europe, on n’y parviendra pas dans les plus pays les plus fragiles en en Afrique.

Partant de ces constats, la mortalité probable sur le continent africain sera sans doute très supérieure à celle observée dans le reste du monde.

Alors que près de 4 milliards d’individus sont confinés dans le monde, qu’en est-il aujourd’hui en Afrique ?

Stéphane Epin (SE) : Dans une majorité de pays africains, notamment les plus fragiles, le confinement des populations est rendu impossible par leur fragilité et leur vulnérabilité. Si des mesures d’accompagnement sociales ne sont pas prises, ce sont forcément les plus vulnérables qui vont souffrir du confinement : ceux qui vivent grâce à une économie informelle, une économie de survie et consomment le soir ce qu’ils ont gagné pendant la journée, ceux qui vivent dans des camps de réfugiés, ceux qui vivent dans des bidonvilles. Si on n’arrive pas à mettre en œuvre le confinement en Afrique, qui est la seule mesure éprouvée efficace pour briser les chaînes de transmission – alors le virus continuera de se propager en Afrique et à nouveau dans le monde.

 

Comment peut-on éviter le pire sur ce continent ? Faut-il privilégier une stratégie préventive globale ou faut-il plutôt tout axer sur les soins ?

Mathieu Dufour (MD) : Il faut des mesures de solidarités énormes pour permettre aux pays africains de mettre en œuvre le confinement. Il y a des moyens de distribuer de l’argent, à large échelle, en ciblant les plus faibles. Cela peut se faire notamment grâce aux nouvelles technologies et aux transferts monétaires par téléphone qui sont très répandus aujourd’hui en Afrique en particulier dans les grandes villes qui risquent d’être très affectées. C’est l’opérationnalisation de ce filet social à travers des mesures puissantes de soutien aux populations qui rend le confinement, et son acceptabilité par les populations, possible. La difficulté est d’avoir la volonté politique des états africains et la solidarité internationale pour les fonds.

 

Le risque d’une explosion de cas en Afrique met-il en péril la sécurité sanitaire dans le reste du monde et en particulier en Europe, un continent si proche ?

SE : Le directeur de l’OMS et de l’Union Africaine ont prévenu que la situation en Afrique était particulièrement inquiétante et qu’il fallait s’attendre au pire. Pour autant, on constate aujourd’hui que la stratégie de lutte contre le Covid-19 est plutôt une somme de stratégie nationales qu’une vision globale. Cette vision globale nécessiterait de comprendre que l’on ne peut pas gagner contre le Covid uniquement en se battant en Europe car le virus reviendra par d’autres entrées. Si on élimine la maladie là, mais qu’elle circule ailleurs, cela ne sert à rien.

On peut de manière raisonnable espérer que l’épidémie en Europe sera maîtrisée d’ici quelques semaines. L’Afrique va elle bientôt connaître des pics de contagion et de mortalité a minima similaires, si ce n’est largement supérieurs à ce que nous avons connu, et si nous n’agissons pas, c’est non seulement un continent entier qui va s’enflammer, mais une re-propagation du virus inévitable en Europe vue la proximité entre nos deux continents.

Quels seraient donc les besoins immédiats et d’ici quelques mois ?

AA : Aujourd’hui nous avons besoin d’une triple solidarité : une solidarité financière, une solidarité en terme de matériel pour que chacun n’achète pas du matériel de son côté, et enfin une solidarité en termes de ressources humaines.

On l’avait vu avec Ebola, en 2014, en Afrique de l’Ouest. Des milliers de volontaires étaient venus appuyer les collègues locaux et trois milliards de dollars avaient été mobilisés pour ces seuls trois pays.  Ce n’est évidemment pas pensable de demander à des médecins français d’aller aider en ce moment en Afrique. Ils ont des urgences à traiter en France. Mais une fois que la vague sera passée, comme c’est le cas de la Chine ou en Corée du Sud aujourd’hui, alors devra s’installer cette solidarité entre les personnels médicaux. La Chine, pays producteur de biens médicaux, doit se mobiliser immédiatement, et demain les pays qui le pourront.

 

ALIMA est une association créée en 2009. Comment ALIMA s’inscrit, avec d’autres ONG dans cet accompagnement ?

AA : Après des discussions animées et complexes face à une épidémie inédite d’une maladie inconnue ALIMA a fait les choix suivants :

-Maintenir nos programmes médicaux réguliers pour les centaines de milliers de patients et les communautés extrêmement vulnérables que nous aidons chaque mois, c’est-à-dire ne pas fermer nos projets réguliers et les maintenir coute que coute.

Assurer la prise en charge pour les cas confirmés de Covid-19 dans nos pays d’intervention à travers l’augmentation des capacités d’hospitalisation et l’appui en oxygénothérapie. Nous montons au moins 6 hôpitaux dédiés aux patients COVID, plus de 1000 lits avec des soins adaptés.

Participer à la recherche et l’adapter aux besoins des populations les plus fragiles tout en respectant les standards éthiques.

Comment les individus et les alumnis peuvent participer à leur manière ?

MD : Aujourd’hui, ALIMA a besoin de financements privés afin de pouvoir prendre en charge les dépenses stratégiques que les bailleurs institutionnels ne financent pas : constitution d’un stock central de matériel de protection, lancement d’une campagne de recrutement, développement des protocoles de recherche…

Nous cherchons à mobiliser des fonds pour nous aider à augmenter les moyens hospitaliers dédiés – nous avons besoin de 800 concentrateurs en oxygène à très court terme, nous avons besoin de matériel de protection pour nos soignants. Un concentrateur en oxygène coûte 1000€, des équipements de protection pour tout le personnel d’un hôpital pendant 3 mois coûte 10 000 €  - toutes les mobilisations sont essentielles pour nous : https://donate.alima-ngo.org/b?cid=140&lang=fr_FR

En plus de fonds mobilisables au plus vite, ALIMA recherche également activement des ressources humaines : https://www.alima-ngo.org/fr/pandemie-covid-19-alima-recrute-

Il est bien entendu trop tôt pour le dire, mais quel sera l’après Covid-19 en Afrique ?

AA : C’est très difficile de faire des projections sur ce qui peut arriver. On n’a pas connu en Afrique de précédent d’épidémie qui se répande aussi vite. Ce que l’on peut imaginer d’après ce que l’on sait de cette maladie, c’est une mortalité élevée et il faut redouter des conséquences économiques, politiques et géopolitiques. Là on entre dans un grand inconnu. Les épidémies quand elles ne sont pas contrôlées provoquent des changements dont on ne peut imaginer l’amplitude surtout sur un continent qui connaît déjà beaucoup de conflits.

 

Pour en savoir plus sur ALIMA : https://bit.ly/2V953jS

Pour soutenir la réponse d’ALIMA à l’épidémie de Covid-19 : https://donate.alima-ngo.org/b?cid=140&lang=fr_FR

ALIMA est une association loi 1901 d’intérêt général. À ce titre, les dons effectués donnent droit à une réduction fiscale pour les donateurs résidents français.

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